De l’Anti-Atlas de Tafraout à Agadir
Pour mon premier jour à Tafraout et vu le programme effectué depuis Ouarzazate, je m’attends à avoir les jambes en coton, qui hurlent leur douleur dans les escaliers. Hors, il n’en est rien, j’ai l’impression que je pourrais partir faire un footing. Tant mieux. Bien décidée à profiter du secteur, je pars marcher vers la vallée des rochers peints. En 1985, l’artiste belge Jean Verame a l’idée saugrenue de peindre en bleu, violet, rouge ou jaune des rochers entiers d’une vallée proche de la bourgade. La première auto qui passe m’embarque sur 7 km pour accéder à l’extrémité du site, je ferai le retour à pied au milieu des blocs de cailloux rose. La première chose que je vois est une antilope aux cornes effilées, avant que les touristes en 4x4 et autres gosses qui s'expriment bruyamment ne la fassent fuir… Pendant plus de deux heures je me suis promenée, à la fraîche, dans ce paysage, avec pour toile de fond le massif du djebel L’Kest, point culminant du secteur à 2359 m. Retour
par le chapeau de Napoléon, en suivant une femme de la tribu Ammeln, en tenue traditionnelle. De retour à l’hôtel, j’hésite entre repartir demain ou prolonger d’un jour ici. La bourgade est agréable, c’est calme. Je pourrais occuper une partie de seconde journée pour faire un vrai nettoyage de la transmission de mon vélo à la station essence toute proche. J’ai du temps… La tribu des Ammeln occupe un petit territoire centré sur Tafraout. Voici ce que je trouve sur internet : La Vallée des Ammeln occupe une cuvette surplombée de falaises escarpées, et s’étend sur un long couloir verdoyant aux pieds de Jbel El Kest. Un décor grandiose, orné d’un filet d’oliviers, de caroubiers, d’arganiers, de palmiers et bien sûr d’amandiers. Les Ammeln peuplent la vallée depuis des générations. Il s’agit d’une grande tribu amazighe (berbère), qui s’est sédentarisée dans les lieux, et qui y a développé l’agriculture des céréales et des arbres fruitiers. Les Ammeln sont aussi célèbres pour leur sens des affaires. Plusieurs d’entre eux, ayant émigré aux grandes villes, sont devenus des hommes d’affaire fortunés. En témoignent les quelques grandioses palais et domaines perchés sur les bords de la Vallée.
Finalement, je décide de rester un jour de plus, et comme la veille, débute par une marche, cette fois-ci sur les tas de cailloux qui devraient m’offrir ue vue sur vallée des Ammeln. De retour, je squatte la station service pour un entretien de mon véhicule.
En ce lundi 20 octobre, je me remets en route, direction les gorges d’Aït Mansour. La première montée ne me surprend pas, 600 m de d+ pour basculer dans ces gorges impressionnantes, étroites et profondes, bordées de hautes falaises rouges, et au fond desquelles on trouve une palmeraie serrée comme une jungle, quelques hameaux, des canaux d’irrigation. Bref, le détour vaut le coup. Enfin… sauf que je n’avais pas vu le profil altimétrique et fut bien surprise, ayant déjà fait 900 de d+ aujourd'hui, d’avoir encore un col à 1610 m à passer… Soit. La fin pique un peu sous le cagnard de l’après-midi, mais il
est tôt encore quand je bascule vers Izerbi. Rien pour loger ici, c’est mort, je prends de l’eau et poursuis. Je plante ma tente cachée derrière un bosquet d’épineux, en espérant que personne ne me verra… Belle étape, de plus en plus près de l’océan, je dors encore à 1242 m d’altitude après 83 km et 1500 de d+.
Après une nuit calme et tranquille, c’est reparti. Quelques kilomètres encore sur les plateaux vallonnés avant un plongeon spectaculaire au fond d’un canyon. Dans le patelin qui se trouve au fond, les orages de l’automne dernier ont fait des dégâts dans ce couloir étroit, route endommagée, les travaux sont toujours en cours pour remettre en état. Plus bas dans l’oued, des tas de troncs de palmiers, des débris… Le paysage change, l’oued à sec est maintenant très très large et j’arrive à Aït Tamanart où je retrouve un peu de vie, quelques échoppes et gargotes. À partir de là, c'est vent de face et ce sera ainsi jusqu’à la
fin de mon étape, 50 km plus loin. En effet, chaleur, paysage désertique et absence de tout m’obligent à pousser jusqu’à Tarhjijt où je sais qu’on peut louer une chambre dans un café. Même pas un petit resto dans cette bourgade où les gamins rencontrés n’ont su que me balancer des “touriste, touriste” provocateurs. Oui, certes, et alors ?
Le lendemain, gros changement dans le climat, départ dans les brumes matinales humides, qui vont et qui viennent, qui parfois me tiennent au frais et d’autres fois me font l’effet d’être au hammam. J’avance bien, et après une pause omelette à la station-service de Fask, toujours dans le désert, je file vers Guelmim. Je traverse la ville mais ne m’y attarde pas, si je veux rattraper un jour mes deux acolytes, il faut que je pédale. Je m’approche ce jour-là de l’océan, et si je ne vais pas le toucher encore, j’en entends les vagues s’écrasant sur les rochers ou les
galets, depuis mon bivouac à quelques kilomètres à vol d’oiseau, planquée une nouvelle fois derrière un bosquet d’épineux. Juste deux gamines menant le troupeau de chèvres et moutons décèleront ma présence…
Allez, le jour suivant, dix bornes de toboggans bien sentis et je vois enfin les vagues atlantiques, dans la brume, sous un ciel plutôt bas. Rien de folichon. Et les 40 km suivants n’offrent rien à voir. Par contre, bonjour les “valleuses” qui me déchirent les pattes à chaque fois, et que je remonte même parfois à pied en poussant mon lourd vélo vert…
Sidi Ifni, du blanc et du bleu, et du soleil qui a enfin percé les brumes. Pause omelette et lentilles. Puis la plage et surtout l’arche de Lezgira. Une voûte naturelle d’une trentaine de mètres de large, autant de long et une quinzaine de haut. Joli site. Je ne regrette pas le
minuscule détour. Je me pose ce soir-là dans un petit hôtel à Mirleft, d’où Jipe et Marie sont repartis ce matin même.
Voyant qu’ils n’ont pas l’air de prendre leur jour de repos hebdo, je décide de mettre un dernier gros coup de pédale pour arriver le même jour qu’eux à Agadir. Je suis dans les starting blocks, attendant le lever du jour et dès potron minet, plafff, j’enfourche le vélo vert. Et au terme d’une étape plus ou moins roulante de 126 km, j’arrive… bien avant eux à l'hôtel prévu, qui affiche complet ! J'en cherche et trouve un autre, où ils viennent me rejoindre un moment plus tard. Depuis Ouarzazate et mon coup de calgon intestinal que je ne les avais pas vus, 15 jours, arrivant parfois dans une chambre qu’ils ont quitté le matin même.
Il faut dire que j’ai fait des détours dans le djebel Siroua et l’Anti-Atlas de Tafraout. Voilà le “trio morocco” enfin reconstitué à Agadir.
Agadir, ciel bas sur une ville moderne, vaste, reconstruite après un tremblement de terre de 1960 qui avait tout foutu en bas et fait des victimes. Pas de véritable médina mais un immense souk, donné comme le plus grand du Maroc, où l’on déambule un moment. Montagnes de denrées alimentaires en tous genres, babouches, fringues, vaisselle, quincaillerie, on y trouve de tout ! On se promène dans les rues, voyons quelques beaux spécimens d'ateliers de mécanique, traînons nos savates assez mollement jusqu’au musée d’art contemporain que Jipe visite. Je n’ai guère d'énergie, mais l’après-midi, les nuages ayant totalement disparu, nous
enfourchons les vélos pour aller longer toute la corniche, essayer de rentrer au port de pêche pour voir les bateaux colorés (zone frontière, nous ne pourrons accéder), et monter les 200 m de d+ qui nous séparent de la kasbah qui offre une belle vue sur la ville, la plage, le port. Le folklore autour de la kasbah fait sourire, touristes juchés sur des dromadaires décorés pour faire 300 m. Bref…
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Du Haut-Atlas à l'Anti-Atlas.
Je crois que c’est la première fois que j’ai ce “truc” de ma vie. J’ai déjà goûté aux giardiases, salmonelloses et autres sympathiques désagréments intestinaux, mais jamais à “ça”. Avantage, j’ai retrouvé en 48 heures la ligne de mes 18 ans, flotte dans le bracelet de ma montre et dans mes shorts, qui heureusement, sont tenus par des ceintures (donc réglables). C'est fou tout de même comme nous sommes réduits à pas grand-chose en si peu de temps par des bébêtes invisibles tant elles sont petites ! Autre grande chance (en plus d’avoir perdu mes kilos superflus) : cela m’arrive en ville, j’ai une chambre d’hôtel avec clim et
salle de bain privative pour 14 euros la nuit, avec du papier hygiénique à volonté (Imaginez ce point en bivouac, en rupture de pq et à court d’eau. Nan nan, la vie est bien faite… mais sérieux, j’aurais sauté dans une bagnole pour rejoindre une ville…) Il y a des chambres single à 6 euros dans cet hôtel mais là, j’ai besoin du haut de gamme, enfin… du caisson blanc qui ronronne et des toilettes libres à proximité immédiate ! Et puis pharma, échoppes, tout est là, même un aéroport si les choses ne s’arrangeaient pas ! Ouarzazate est une ville calme, où je me contente de faibles déplacements. J’ai pris chaud patate, ça m’a bien secouée, enfoncée bien profond, une loque, reste à voir comment ça va repartir en terme d’énergie à déployer sur le vélo.
Les tenues vestimentaires dans ce pays sont vraiment d’une grande diversité. Chez les femmes, on va des bras nus sans foulard au nikab, et chez les hommes, du t-shirt à la djellaba en passant par le costard cravate. Toutefois, jamais de jambes nues et les nikabs sont souvent accompagnés des djellabas.
Bon, à Ouarzazate, le petit marchand n’a pas la monnaie sur mon billet de 200 pour ma bouteille à 5,5. Il me la file qd même, en me disant “tu reviendras payer plus tard”. Merci pour la confiance gars ! Pas comme si j'étais juste touriste de passage hein… À l'hôtel, Hamid n’a pas la monnaie sur mon billet de 200, “ je te donne 50 plus tard”. Au distributeur de la poste, un homme pourtant jeune galère depuis un moment, je finis par m’approcher pour l’aider à faire son retrait, tape son code confidentiel... les billets sortent, il est content et me serre la main avec un grand sourire. La confiance règne et ça me plaît tellement. Hamid m’a rendu mes 50, je suis allée payer ma bouteille au commerçant. Et Hamid veut me crever mes pneus cette nuit pour ne pas que je parte demain…
J’ai passé quelques heures à regarder passer la vie, les 4L, kangoo, Dacia, Mercedes, motos et quads, les “petits taxis”, qui sont ceux, jaune pâle, qui restent dans la ville et que tout le monde prend, les trottinettes électriques, les vélos déglingués, les bus de ville “luxe”, ma foi dans un état de délabrement avancé, les minibus de transports touristiques, rutilants, les taxis collectifs aux galeries chargées, les gros bus intervilles, et les bus luxueux des
opérateurs touristiques. J’ai vu passer un cycliste au moins octogénaire, marocain, frisant le mètre cinquante et tremblotant, maillot cycliste et casque, les mains en position basse sur le cintre, à environ 6 km/h. Et puis ici les simplets, les handicapés de tous genres et les estropiés ne sont pas remisés dans des institutions, dans la journée ils sont dans la rue. Les regards ici ne sont pas pesants, ils ont l’habitude des touristes occidentales. J’ai eu une longue discussion à propos du statut des femmes, de l’état de la France, et de sa vie avec Hamid, le sympathique employé de cet hôtel, retraité de l’armée. Les femmes de ménage sont black, parlent berbère et chouilla français.
Nous sommes le 9 octobre, j’ai stoppé le régime spécifique, ai arrêté antispasmodiques et antidiarrhéiques, garde les antibio jusqu’au bout du traitement. Et je bois, je bois et bois encore, espère sérieusement reprendre la route demain, en croisant les doigts pour que “ça fasse”. Je ne pensais pas rester 4,5 jours à Ouarzazate !
Vendredi, je monte sur mon vélo non sans une certaine appréhension, il est clair que ce n’est pas du 100%... Je démarre tranquille, ca tombe bien c’est plat et un léger vent m'est favorable. 20 km, je pique à droite vers Aït Ben Hadou, et lors d’une pause banane, un cyclo coloré me passe. Je réenfourche rapidement, le rattrape. C’est Omar, il vélotaf, son vélo est customisé comme une oeuvre d’art (art brut), et nous faisons route ensemble jusqu’au village avec sa kasbah classée au patrimoine mondial de l’Unesco. Les bus de touristes alignés ne m’incitent pas y entrer, je me contente de vues extérieures et préfère prendre du temps à siroter le thé offert par Omar au snack des amis, là où il travaille, peintre de son état.
Je finis par me remettre en route, remonte toute cette vallée que je trouve superbe, et termine la journée en poussant le vélo dans les bosses. Bivouac avec point de vue panoramique avant Telouet.
Le lendemain, toujours pas bien de l’appétit, je dois me forcer pour manger. J’avance bien cependant, en ne forçant pas trop et longe les contreforts sud des hautes montagnes du Haut Atlas dans une atmosphère opaque, poussiéreuse, décevante. Bivouac encore, avec encore une vue jolie jolie.
Dimanche, c’est parti par une piste jusqu’à Aït Kallat, détour qui me permettra ensuite de passer au cœur du massif du Siroua, de géologie particulière, volcanique, et réputé pour son safran, qui fait partie de l’anti-atlas. En effet les montagnes de l'Atlas se décomposent en trois chaînons distincts : le Moyen Atlas, le Haut Atlas et l'Anti-Atlas. Ce dernier chaînon, le plus au sud, regroupe le djebel Saghro (où j'avais randonné l'an dernier, magnifique), le djebel Siroua et l'anti-atlas de Tafraout. Bon, cette étape courte dans le djebel Siroua est une horreur pour les jambes, les côtes sont des rampes que je passe pour la plupart en marchant, les descentes se négocient sur les freins. Le démiurge devait être en colère ce jour-là pour créer un paysage aussi torturé. Je parviens à Amassine où je pense récupérer un axe plus important mais décide surtout de demander l'hospitalité. Je suis accueillie dans la première maison, sauf que ces gens sont pauvres, qu’en guise de dîner nous avons partagé 4 oeufs à trois. Je ne peux pas manger mes provisions devant eux et comme celles-ci
s'épuisent et que dimanche oblige, tout est fermé, je ne peux pas non plus me départir du peu qu'il me reste pour le lendemain. Je m’endors le ventre creux… Par contre, bonheur, j’ai l’occasion de “décortiquer” le fameux safran. En fait, il s’agit de récolter des crocus sativus qui poussent dans ce massif, cultivés ou non, pour ensuite prélever les trois stigmates rouge, puis les sécher. Sur le marché européen, le prix de vente oscille entre 30 000 et 40 000 euros le kilo. Octobre, la saison démarre, et sera aussi courte que celle de nos colchiques (proche cousin). Je ne vous raconte pas le boulot que c’est…
Lundi matin, petit déjeuner réduit à un thé, je leur laisse un billet pour l’hébergement qui pour moi, n’a pas eu de prix. Et l’axe plus important, que nenni, j’apprends que je dois aller jusqu’à Askaoun avant de retrouver l’asphalte, mais aussi que Blake, qui a vu Jipe et Marie, m'accueillera dans sa famille. Je pars le coeur joyeux et cet état ne me quittera pas de la journée. La piste est en pente douce et je n’ai pas à pousser ma monture pour atteindre les 2 cols
à 2500 m, les paysages sont juste un gros coup de coeur et donnent franchement envie de s’attarder en rando itinérante dans ce massif. Autant de vallées douces, de sommets bruts, de villages pittoresques, une activité pastorale intense, des sources d’eau partout, bref, l’idée d’un paradis sur terre, à 2500 m d’altitude. Comme mon étape est très courte, je me prélasse, me vautre dans ce décor enchanteur, me repais de bonnes sensations, et finis par arriver à Askaoun vers 13 h. Petit arrêt gargotte, achats pour le lendemain et hop, Blake arrive. Je le suis jusqu’à la maison sur les hauteurs du village voisin. Premier thé. Pendant qu’il prépare le tajine pour nous deux, je me douche et règle perfecto mes freins dont j’ai changé les plaquettes il y a deux jours. Tajine. Tour en scooter dans les jardins, visite de l’agadir du village, ce grenier fort à la fois collectif et individuel, mais ancestral et toujours usité. Son gardien se fait vieux. Retour à la maison, thé, puis dîner vers 21 heures et enfin, enfin… dodo ! Tous ces repas devraient finir de me requinquer !
Blake a 24 ans, il travaille comme laborantin (études de chimie) au secteur “or” de la mine d’Askaoun où sont extraits principalement de l’argent, du zinc, du cobalt, et un peu d’or. Il travaille en 3 x 8 et nous quitte à 21 heures après avoir préparé le dîner pour sa sœur et sa mère, au jardin toute la journée. Son père est dans la montagne avec le bétail.
C’était drôlement bien chez Blake, dommage que je me sois faite bouffer par les punaises de lit, déclenché l'allergie habituelle, et au possible en avoir amené dans mes affaires… à suivre. Vive la cortisone.
Le lendemain, définitivement requinquée, énergie revenue, gêne intestinale enfin disparue, je me fais vraiment plaisir à gravir les dernières bosses du Siroua avant de plonger dans la fournaise de Taliouine. Le prix de l’or rouge, le safran, s’y discute ferme au cul des kangoos ou autres utilitaires, ce sont les femmes qui ont les narines qui frétillent et donnent leur avis d’expertes. Après un repas gargantuesque dans un boui-boui, je me remets en selle, direction toujours le sud ouest. Je quitte rapidement la nationale peu passante pour une route qui sera de plus en plus déserte au fil des kilomètres. J’installe mon bivouac à 15 h, à l’ombre d’un arbre, le dernier avant au moins 25 km… Il fait trop chaud, ça monte et le vent ne m'aide pas.
Avec 87 km et 860 d+ au compteur, ma journée est faite, le reste pour demain. Je passe en revue t-shirt de nuit, drap sac et duvet, et… déloge la méchante punaise encore gorgée de mon sang tentant de se faire la malle en loucedé sous mon matelas.
Nuit calme loin de tout, ça fait du bien. L’étape du jour, déjà difficile par le relief, est rendue exténuante par le vent de face. Je suis remontée sur des hauts plateaux dont je me demande un peu s'ils font déjà partie de l'anti-atlas de Tafraout. J’avance bien encore, passe Igherm, et à la sortie du village, me charge de 8 kilos d'eau, n'etant pas sensée en retrouvervavant le lendemain. L'arrêt à la mosquée pour ce faire me vaut un délicieux couscous accompagné de kefir, nickel. Je repars le ventre plein, le vélo bien lourd et finalement avance plus que prévu, et pose mon bivouac en toute discrétion. Sauf que… ayant demandé des infos à Jipe sur un de leur précédent bivouac, il a cru bon de dire au poste des forces auxiliaires que j’allais passer (pour qu'ils m'accueillent et que j’y pose aussi ma tente). Mais je ne m’y suis pas arrêtée parce que l’endroit ne me plaisait pas (vent, chiens, mosquée…), les militaires se sont inquiétés, m’ont cherchée, ont ratissé les alentours jusqu’à 10 km, et ont fini par me trouver. Démontage, remballage, panier à salade, remontage et nuit de merde avec un chien qui a gueulé une bonne partie de la nuit à 20 mètres de ma tente. Je pars le lendemain sans me retourner ni saluer les bidasses, un peu furax contre la terre entière.
Heureusement, la route déserte, les hauts plateaux, la fraîcheur relative, le paysage, l’absence de vent me réjouissent et je me régale. Je rentre vraiment dans le cœur de l’anti atlas de Tafraout, je bifurque à droite pour aller voir d’un peu plus près cette partie du massif qui se distingue déjà par la couleur de sa roche, plus foncée. Dans les villages, les femmes portent des tenues qui pourraient s’apparenter à des nikabs, il n’en est rien, je passe dans la tribu des Ammelns, et c’est la tenue traditionnelle, toute noire, légèrement et finement brodée, avec aux pieds des babouches très colorées, superbes. À Ida Ougnidif ce jour-là, je suis accueillie dans la famille de la pharmacienne car il n’y a aucune possibilité d’hébergement dans la bourgade. Les trois femmes de la maisonnée sont excitées comme des puces d’avoir une française à la maison. Les deux jeunes parlent un peu français et anglais, ce qui permet de communiquer, et de leur dire d’arrêter de vouloir à tout prix fuir le Maroc pour la France ou l’Allemagne, le rêve pour beaucoup. Comme souvent, le dîner se prend tard, entre 20 et 21 heures, alors que je lutte depuis un moment contre l’endormissement !
Vendredi 17 octobre, normalement, c’est le dernier jour de ce voyage avec des dénivelés de dingue (je cumule 30 000 m depuis Nador), je pars vers 8 h 30 avec l’objectif d’atteindre Tafraout, où je pourrai me poser quelques jours. Je passe par la montagne, quasi déserte, j’ai dû voir en tout et pour tout une dizaine de véhicules, pas plus d’humains. Par contre, le nombre de lacets négociés, en montant ou en descendant fût impressionnant. Je ne pense pas avoir eu 100 m de plat consécutifs de la journée. La chaleur aidant, je termine mon étape bien séchée, dans tous les sens du terme. L’arrivée par en haut sur la magnifique vallée verte de Ammeln restera gravée, entourée de massifs montagneux imposants. Et l’arrivée dans la petite bourgade calme de Tafraout marque une étape importante de ce voyage. Deux jours de repos me sont nécessaires, ma petite chambre orientée nord, avec wc, douche et petite terrasse au calme et privative, ne me coûte que 5,5 euros la nuit et ne devrait donc pas me ruiner !

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Semaine exigeante à travers l'Atlas
À Ouzoud, j'avais pris le petit déjeuner, à 8 heures. Il s'est fait attendre, mais ça en valait la peine. De compèt le petit déj ! Je suis partie trop lourde, et après ces quelques journées bien remplies, les jambes et l’organisme demandent un peu de repos. Je rejoins la jolie ville d’Azilal, 30 000 habitants, 1400 m d'altitude, et m’y pose dans un hôtel modeste (où j’aurai tout de même une douche chaude). Dans cette ville et pour une fois, ça ne pétarade et ne fume pas de partout. Il y a la rue principale, circulante, et le reste, où une auto ne saurait s’aventurer. Les échoppes de fruits et légumes sont très bien fournies, les petites gargotes sont foison, et le choix est donc grand. La place centrale, marbrée, possède même de petits jets d’eau qui se mettent en route le soir venu. Un dinosaure incongru donne un autre point de repère et les mamans ou les papas font des tours de voitures miniatures électriques marquées “police” ou “barbie” avec leur enfant, autour de la place propre. Très kitch tout ça… Le souk permanent se situe dans les ruelles juste derrière.
Autour de 19 heures, au coucher du soleil, toute la population vient flâner et les terrasses s’emplissent d’hommes, et seulement d’hommes. Autrement dit, je me sens un peu regardée… J’ai bien aimé Azilal, c’était calme pour une ville marocaine. Mon voisin de palier est un Flamand, seul européen croisé ici.
Le lendemain matin, j’espère juste avoir plus de jambes que la veille parce que sinon, comme on dit, j’ai pas l’cul sorti des ronces, tant les dénivelées qui m’attendent sont importantes ! Je pars doucement. La route est trop passante pour tirer des bords et la pente est tout sauf régulière. À une importante bifurcation, je prends à droite vers la vallée d’Ait Bouguemez, bien nommée la vallée heureuse pour sa verdure, ses jardins abondants, ses hectares de pommiers, ses greniers forts perchés sur des collines à la forme conique parfaite. Plus une voiture, la
route est en macadam pourri, troué, percé, et les travaux durent 25 km, donc toute la montée et la descente suivante. Paysage de ouf, tant depuis le col à 2200 m, que dans la descente vertigineuse qui plonge vers Aït Abbas et la vallée de l’oued Lakhdar, profonde, cultivée, enjolivée par de nombreux hameaux pittoresques en terre battue. Je suis bel et bien dans le Haut Atlas. Quelques rencontres sympathiques, quelques verres de thé bienvenus. Il faut maintenant remonter cette vallée pour atteindre la vallée heureuse que je reconnais pour l’avoir parcourue l’an dernier. Je me pose dans un gîte et comme toutes les chambres sont pleines, je me vois conviée à dormir dans l’appartement familial, qui fourmille de femmes. Accueil royal comme d’habitude. Il faudra juste attendre 20 h 30 pour manger le tajine avec les autres touristes, la cuisson est longue, c’est le secret du goût du tajine, il faut que ça
mijote loooonnnngtemps ! Le gîte est situé pile poil au pied du grenier sur la colline, que nous avions visité l’an dernier avec Philippe en revenant du sommet du M’Goun.
Vendredi 3 octobre, le muezzin tout proche s’en donne à coeur-joie depuis 5 heures du matin sans interruption. La cause en est qu’une habitante est décédée hier, alors il faut prier…
Elle était âgée ?
Oui
Quel âge ?
55 ou 58. 2, 3 jours malade et hop, c’est la vie !
Ok
À noter que la personne avec qui je parle fait bien 60 ou 65 ans et c’est quand même plus la mort que la vie ! Après un solide petit déjeuner, je prends la route, et quelle route ! Monter d’abord de 1800 à 2910 m au col, sur le goudron merci. Voilà déjà 1100 m de d+ en 13 km. Il a fallu parfois pousser dans les rampes ! Ensuite, la bascule dans la vallée d’Ouzighimt, magnifique, 10 km de piste qui secoue la mécanique, les genoux, les poignets, les valises. Faire attention à ne rien casser… 12 km/h de moyenne. Puis petite pause thé, pain, sardines, invitée chez l’habitant où j’avais demandé de l’eau. Allez ensuite, goudron à nouveau pour monter le second col, je remets 650 de d+ pour peu
de kilomètres, et en haut, décide de laisser la suite pour le lendemain. À chaque jour suffit sa peine, j’ai déjà fait gros hier. Je dors donc au beau milieu du Haut Atlas, pas très loin de la ligne de crête, à un col venté à 2815 mètres. Comme le vent est assez fort et pas très chaud, j’ai monté ma tente à l’intérieur d’un abri de berger, à l’écart de la route. En pierres, sans porte (juste une ouverture bien orientée), le toit est fait de branches recouvertes de bâches et de terre. Je suis là depuis 15 heures. Une famille est venue regrouper les moutons, chèvres et ânes éparpillés, j’ai regardé la lune se lever et le soleil se coucher. Je vais enfin profiter d’une nuit sans clébard, sans muezzin, sans bruits de rue, sans bagnole, sans réverbère ou autre source lumineuse, bref… une nuit ! Il est 19 heures, même les cimes ne sont plus éclairées. Bouhhhh, les bras de Morphée, vite et bien.
Je commence le lendemain par une courte descente puis une très raide remontée à 3005 m, soit disant la plus haute route carrossable du Maroc. Là haut, je tape la discute quelques instants avec 3 motards marocains et le gardien de l’antenne (telecom). Oui, c’est un métier… et admire le paysage… La descente qui suit me fait littéralement plonger dans la vallée d’Ameskar par des lacets serrés, raides, où les plaquettes de frein en prennent un sacré coup ! A Ameskar, je devrais normalement regrimper un col par la route goudronnée mais tout le monde me conseille de suivre l’oued pour éviter cette infâme
remontée. Je me retrouve ainsi sur la piste en galets, à passer des gués, puis m’engouffrer dans les gorges du M’Goun, spectaculaires et très étroites où il y a juste la place pour le canal d’irrigation, la piste et le ruisseau. Seule au monde dans ce décor grandiose, je ressors à Ameljag et n'ai plus qu’à rejoindre le haut de la vallée des Roses, route parcourue déjà l’an dernier. 10 km avant Kalaat m'gouna, la ville du secteur, je rejoins Jipe et Marie.
Le jour suivant, nous rallions Ouarzazate par 90 km de route nationale sans virage et vent en poupe, égayée seulement par des kasbahs imposantes. La palmeraie de Skoura est censée être une des plus belles du pays mais ils avaient oublié de passer le plumeau sur les palmiers, qui faisaient plutôt pitié. Arrivés et posés à Ouarzazate, nous retournons visiter la kasbah Taourirt, grand dédale,
véritable labyrinthe, en totale réfection (durée estimée des travaux : 10 ans). Le soir, je me sens faible, la nuit est minable, bruyante, excessivement étouffante, faite d’aller-retours incessants aux toilettes. Quand mes compagnons partent ce matin, je décide de passer la journée ici, trop faible pour envisager quoi que ce soit. Changer d’hôtel relève déjà de la corvée… donc je change juste de chambre, plus petite mais équipée de la clim et salle d’eau privative avec PQ !
En plus de l'accumulation de grosses journées, de trop fortes chaleurs, de nuits où je ne dors guère, c'est, je pense, l'ingurgitation d'eau ou d'aliments "malpropres" ( je ne saurais dire où et quand), qui ont eu raison de mon organisme. Il ne reste plus qu’à croiser les doigts pour que ça aille mieux demain. Je n’ai rien mangé aujourd'hui, juste bu un coca dégazé… Le gérant est prévenant et compatissant.
PS _ le lendemain : contente, j'ai pu aller toute seule à la pharma, me voici avec mes boites de médocs sur la table de chevet. Maintenant, il faut que je trouve riz blanc et patates à l'eau, mais quitter la proximité immédiate des toilettes est un risque immense !!!
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Les contreforts nord du Moyen-Atlas
De Ribate el Kheir, je poursuis donc seule vers le sud, croise les écoliers d’abord puis un flot de voitures qui pétaradent et fument fort dans la montée que nous avons évitée, étant de nuit dans ce qui nous servit de panier à salade…
La route fut ensuite aussi jolie que tranquille, bien vallonnée. À un carrefour, ma trace m’indique à gauche, mais les indications routières me disent à droite. Aucune route sur mes applis mais le macadam semble récent. Renseignements pris auprès des locaux, l’ancienne route est désormais noyée par la retenue du barrage M’dez. N’ayant pas envie d’avoir à nager avec mon vélo chargé, je prends la nouvelle route, n’y rencontre absolument aucun véhicule mais sens bien le pourcentage élevé des montagnes russes qui m’obligent à tirer des bords. Ce n’est pourtant pas la place qui manque dans le paysage désertique pour faire des virages et adoucir la pente ! Après être passée sous le barrage de type poids, je domine un temps le lac bleu avant de rejoindre Skoura m’daz. Les jambes tournent bien, un cafouillage me fait louper le centre-ville, je poursuis en remontant l’oued
Guigou dans une vallée magnifique bordée de hameaux traditionnels et de cultures. Dans celui de Taferdoust, je décide de demander pour me loger. On m'envoie à l’école où les élèves se lèvent en cœur pour me souhaiter la bienvenue. Safae a 7 élèves sur 2 cours, Mohammed en a 4 sur 3 niveaux différents, ce qui lui impose des heures considérables de préparation chaque soir. Le couple d’instituteurs m’invite spontanément à dormir chez eux. Il est 15 h 30, la classe termine à 18 h 10. Après avoir déposé mon barda, je pars visiter à pied l’ancien village perché sur un éperon rocheux. Un pont remarquable en pierre, à deux arches, enjambe le flot rendu ocre par les orages très violents de samedi et se poursuit par un escalier soutenu par un imposant mur de pierres, me menant à cette place forte. Les habitations sont en ruines, seule la mosquée est entretenue. La vue sur la vallée vaut le coup d'œil. Redescendue chez Safae et Mohammed, la discussion va bon train, et je crains de voir mon estomac exploser, rempli de victuailles diverses et variées par mes hôtes.
Le lendemain, la route toujours aussi déserte, montante et ravissante me mène à Boulemane où c’est jour de souk. Je retrouve là un axe plus important et n’ai qu’à me laisser glisser vers l’immense plaine de Guigou sur le macadam velours. Timahdite, altitude 1839 m, il fait bon. Je passe à la gendarmerie pour trouver un logement. Il n’y a qu’une auberge, je négocie le tarif de la petite chambre. La bourgade se situe sur la route très passante qui relie Fès à Midelt, Rich, Er Rachidia puis Merzouga. Pléthore de restaurants et épiceries. Je fais des provisions en suffisance pour 2 à 3 jours, qui assurément ne seront pas faciles, à travers le parc national de Khénifra.
Dès la sortie de Timahdite dans la fraîcheur matinale, je prends dans la campagne par une piste, réponds en passant aux dizaines de bras en l’air des travailleurs qui grattent la terre, courbés en deux, puis il n’y a plus que des fermes isolées, des chiens qui me gueulent dessus et me courent après tous crocs dehors. Dès que je mets pied à terre, ils s’en vont la plupart du temps la queue entre les
jambes. Quand ce n’est pas le cas, quelqu’un finit par sortir et les rappeler, ce qui me vaut quelques rencontres pittoresques et hautement sympathiques. Je vais poser ma tente ce soir-là dans le parc national de Khénifra, au pied de véritables cathédrales vivantes, des cèdres séculaires aux houppiers si hauts qu’il me faut basculer loin la tête vers l’arrière pour les voir. J’entends quelques singes, et passerai la nuit la plus profonde, la plus calme, la plus noire, la plus silencieuse depuis le début du voyage. J’ai vu en tout ce jour 3 véhicules, ai croisé plus d’ânes et de chevaux.
La piste continue en serpentant parmi les cèdres, les sous-bois d’ombre et de lumière invitent à la rêverie, les bergers continuent à me saluer du bras. 17 km encore de piste plus tard, je retrouve un macadam, certes troué, mais bienvenu tout de même. Me voici bientôt sur la grande route descendante et vent en poupe. Au croisement pour Boumia, par le plus grand des hasards, je retrouve Jipe, arrêté en train d’attendre Marie. Nous prenons une chambre dans la bourgade où c’est jour de marché aux animaux et par conséquent, l’effervescence.
Entre Boumia et Aghbala, un immense plateau d’abord vide jusqu'à Tounfite puis des exploitations agricoles qui font des taches de vert dans le paysage jaune et désertique. Deux patelins où les groupes électrogènes (pour l’irrigation) tournent au gaz bouteille. Des centaines de bouteilles de gaz en bord de route ou piste. Des pommiers aussi, de la route et des bouts de piste qui se négocient sur le vélo même si ça secoue parfois. À Aghbala, la vie bat son plein, un hôtel est vite trouvé, ainsi qu’une gargote où nous nous délectons au moins autant de la sympathie et du sourire des hôtesses que du menu. Mes coéquipiers ayant bien roulé, nous sommes encore ensemble, même si j’ai passé 2,5 heures de moins qu’eux à pédaler.
Ce 27 septembre, l’objectif est de me rendre au village de Boutferda, afin de visiter, dans les parages, les greniers Aoujgal. Ce sont des structures en pierre, comme des maisons, adossées au rocher et surtout perchées sur une
longue et étroite vire rocheuse à mi hauteur d’une paroi verticale impressionnante. Il ne reste que des vestiges mais le sentier est vertigineux. À certains endroits, des bouts d’arbres forment passerelles et comblent les manques de terrain au dessus du vide. Je n’en mène pas large, le moindre faux pas est fatal. Dans la soirée, depuis mon bivouac soleil couchant, j’entends les tams tams et les chants des habitants du minuscule village au sommet de la falaise.
Le village de Boutferda est charmant, j’y croise les écoliers qui me saluent, puis poursuis par une route qui longe, ou plonge et remonte le long de canyons impressionnants. J’avance tranquille, négocie les bosses en moulinant, afin de me ménager et en garder sous la pédale. Je passe Tagfelt où je fais mon plein d’eau en vue d’un bivouac, qui s’avèrera tranquille, comme je les aime.
Une grosse montée le lendemain et je bascule à Ouaouigazh, après avoir croisé un couple de cyclos de Lyon. J’achète quelques fruits et légumes, remplis mon estomac et reprends ma route contre un fort vent de face le long de la retenue de barrage de Bin el Ouidane. Le vent soulève la poussière et l’atmosphère est loin d’être limpide. Je rencontre un cyclo marocain et discute un moment avec lui. Ses poignées de frein sont
défectueuses, il ralentit avec ses semelles de savates direct sur le pneu. Après encore un col, je trouve un joli coin pour poser ma tente.
Le lendemain, c’est à dire aujourd'hui, je rejoins la bourgade de Ait Attab, par monts et par vaux dans un paysage verdoyant. J’y consomme à manger dans un café avant de reprendre la route, et sans savoir que j’y reviendrai, bien stressée. Une grande descente et surtout 500 m de d+ plus loin, je me rends compte que j’ai oublié mon téléphone, mis à charger au café… Je suis en haut de ce gros col, à 16 km de la ville. Une maison est là, vers des antennes telecom. Ni une, ni deux, je pose mon vélo et fais du stop pour retourner en ville. Une camionnette de livreurs Danone me prend, et les flics nous arrêtent, défaut de ceinture pour le chauffeur, verbalisé, et le temps qui tourne. Au café, je retrouve mon téléphone comme je l’avais laissé. OUF !!!!. Ne reste plus qu’à retrouver des véhicules pour remonter vers mon vélo. Ce sera vite fait, avec l’aide des mêmes gendarmes, toujours postés au même endroit et qui me voient passer pour la 3ème fois.
Le vendeur de détergents qui m'embarque quitte son emploi ce soir, et me montre son CV, rédigé en français. Après ces aventures, je rejoins Ouzoud où je trouve une chambre confortable et vais visiter les fameuses cascades d’Ouzoud, à pied. Dans la soirée, sur une scène au milieu du village touristique, des danseuses du ventre très en chair se trémoussent au son des tambours et violons. Les cascades d’Ouzoud sont annoncées comme parmi les plus grandes d’Afrique ! 110 mètres en tout. Vous ferez la comparaison vous-même avec celles du Zambeze, pas tout à fait le même débit !!!
Mes jambes tournent bien, mon postérieur ne me fait pas soufrir, j’ai trouvé la bonne solution, alors tout va bien. Et demain je repars direct par 500 m de d+, direction Azilal.
Va falloir envoyer du lourd sur le prochain tronçon, je vais prendre de l’altitude… Des images comme d'habitude dans la rubrique photos... Ciao ciao.

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Que calor !
Et hop, 12 septembre 14 heures, déposée par mes parents avec mon vélo vert à la gare de Bellegarde, je saute dans le train. Escale sympathique et conviviale à Valence chez mes amis Bruno et Marianne au vélo gîte et départ le 13 au matin pour Sète où j’arrive à l’heure et sous la flotte. À noter que les 4 trains successifs ont été ponctuels, oui oui.
Sète donc, j’y retrouve Jipé et Marie. Attente à la gare à l’abri de la flotte qui tombe drue et serrée. À l'heure d’aller au port, ça s’arrête, c’est sûrement qu’on mérite. Jipé est descendu de Paris en train de nuit, Marie a pédalé de Grenoble en 4 jours. Nous sommes les premiers à embarquer. Le ferry est aux ¾ vide, nous larguons les amarres à 20 heures, direction l’Afrique. Petite cabine de 4, nuit tranquille, la mer est d’huile, comme la journée du lendemain, comme la nuit suivante…
Nous débarquons à Nador lundi 11 heures, donc bien en avance sur l’horaire prévu. Passage à la machine qui donne de l’argent, passage à Maroc telecom où tout va très vite, vers 13 heures nous sommes opérationnels et enfourchons les bécanes. Nous longeons le triple barbelé enroulé au pied de la barrière elle-même en barbelé, elle même gardée par des bidasses tous les 100 m. La barrière de quoi ? Mellilah, enclave espagnole. À 5 mètres sur notre droite c’est l’Europe, et donc une zone quelque peu stratégique. Une espèce de petite corne qui rentre en Méditerranée.
Les raidillons bien pesés se succèdent mais nous atteignons l’autre côté de la corne, et la mer. Premier tronçon de piste, mauvais, qui secoue la mécanique. Nous posons notre bivouac dans un champ d’oliviers et chance, nous ne voyons personne.
Le lendemain nous commençons par longer la grande Bleue sur un macadam velours et le vent dans le dos. Légers vallonnements agréables avant de rentrer dans les terres, de pousser le vélo sous le cagnard dans des pentes déraisonnables. Et je ne me souviens déjà plus de la suite ni du bivouac… ah si, en sortie de ville. Des habitants viendront nous offrir thé, cacahuètes et biscuits en soirée. Continuant notre route plein sud, après un premier col passé dans une cascade de nuages, nous dévalons vers Tafersite où Marie renvoie 4,5 kg de matos inutile en France. Courses à Midar où le soleil cogne trop fort, Jipe n'est pas au mieux, un bon rhume. Après la bascule en haut d’un col dont nous avons gravi la pente trop raide en partie à pied, nous pénétrons dans un secteur désertique.
Piste roulante, cagnard infâme. Assommés de chaleur, nous trouvons refuge chez l’habitant qui ouvre et nous met à dispo la pièce de réception. Tables basses, coussins, tapis, et bien évidemment victuailles. Le soir nous assistons à la cuisson du pain à l'extérieur et je plante ma tente dans la fraîcheur relative de la nuit.
Aint Zorha - Mezguitem. J’ai reconnu le café où nous avions pris un thé, le village, la rampe à l’entrée et la bonne bosse pour monter au col à 1150 m, où j’attends longtemps mes coéquipiers. Arrêt, adossés au mur de la même mosquée que l’an dernier et même plaisir dans la descente qui suit. La succession de bosses infernales avant Mezguitem est toujours aussi éreintante. Jusque là nous avons profité d’un vent favorable mais il a tourné. Nous avons maintenant vent de sud et il est chaud. Nous trouvons là aussi l’hospitalité et même topo que la veille chez une famille toutefois plus riche, elle possède une Sandero en bon état. Comme la veille, ils refusent avec vigueur l’argent que nous proposons. Partir en proposant un dédommagement nous donne bonne consciences mais nous sommes tellement ridicules à leurs yeux… limite affront ! Là aussi j’ai préféré monter ma tente dehors qu’entre 4 murs qui restituent la chaleur accumulée la journée.
Les 40 km nous séparant de la grande ville de Taza furent facilement avalés, faciles, vent en poupe et macadam velours. Arrêt chez un réparateur vélo pour remplacer les pédales du vélo de Marie, qui donnent des signes de fatigue. Petite visite de la médina, plus vieille que celle de Fès, et attente des heures moins chaudes pour sortir de la ville. Le bivouac est à 7 km et nous atterrissons devant la grille d’une centrale hydroélectrique. Le gardien nous autorise mais bien sûr, le “caïd”, représentant de l’autorité locale, nous rend visite, me passe un gendarme royal au téléphone, qui dans un français parfait nous autorise à rester après m’avoir avoué être venu faire de la spéléo dans le Jura. Ce qu’on ne savait pas, c’est qu’à 22 h 33, le caïd allait venir installer son hamac à côté de nous et qu’un camion avec 2 bidasses serait également réquisitionné pour garder, on ne sait, nous ou la centrale…
Montée agréable le lendemain dans le parc national de Tazekka, je ne suis pas en terre inconnue, je reconnais le paysage magnifique et la grosse fontaine en bord de route. Je m’abstiens cette fois-ci d’acheter du raisin qui me fait pourtant de l’oeil, car me souviens l’avoir payé à prix très fort l’an dernier… Je décide ce jour de fausser compagnie à mes compagnons car nos rythmes sont vraiment trop différents mais nous nous retrouvons tout de même le soir pour un bivouac sous la pinède 15 km avant Ribate el Kheir.
Coup de vent, bonnes bourrasques, très beaux éclairs, quelques gouttes, et vers 23 heures, bim, ça devait arriver tant nous ne sommes pas discrets à 3, bruit de bagnole, phares sur la tente. Je sais ce que ça signifie. Comme d’habitude les gendarmes sont souriants et sympathiques mais nous devons remballer. Un camion vient de la ville pour charger tout notre barda et nous pose devant la porte d’un hôtel impersonnel mais très spacieux, propre et calme, où une chambre gratuite nous attend. Minuit trente…
Il est décidé une journée de repos par mes coéquipiers, je suis le mouvement. Petit déjeuner et balade dans la mini bourgade, courses pour le lendemain, et repos…
Des photos dans la rubrique concernée, album Maroc 2025… comme d’hab ! À une prochaine, un peu plus au sud-ouest !
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